Suivez-nous

Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Conseillé par
23 mars 2016

Une histoire étrange mais pas totalement inédite, dans la droite ligne de Rudyard Kipling ou George Orwell. Elle est plutôt fine, complète : les quinze chiens permettent un panorama large des différentes interprétations de l'intelligence humano-canine, mais elle ne me convainc pas totalement. Pas mal de poncifs, de propos attendus, prévisibles et un peu décevants. Néanmoins, l'exercice est intéressant et la lecture itou. André Alexis donne dans la parodie de la société humaine, dans la satire animale ; il n'oublie pas évidemment d'aborder les grands thèmes : la vie, l'amour, la mort et ajoute ceux qui sont inhérents à son idée de roman : l'intelligence permet-elle de vivre mieux, plus heureux ? Et qu'est-ce qu'être heureux ? Le savoir est-il un but ? Un moyen ? Et la croyance en un dieu suprême, d'où vient-elle ? "Il croyait que le dieu qu'elle décrivait était possible, de la même manière qu'il croyait qu'une chienne perpétuellement en chaleur était une chose possible. Un maître de tous les maîtres, c'était une idée, mais une idée qui ne le concernait pas..." (p.68/69) Et quid de la sagesse ? et encore plein d'autres que j'oublie. Son roman qui pouvait s'annoncer comme drôle et décalé est surtout plus profond qu'il n'y paraît et cruel. Pas sûr que les défenseurs de la cause animale le lisent et encore moins sûr qui l'apprécient.

L'esclavage également est abordé, ou plutôt la soumission et l'exploitation des plus faibles par les plus forts, les rapports sont faussés lorsqu'un humain ne réagit pas comme il le devrait : "Ça ne ressemble pas au maître habituel. Un maître qui ne demande rien n'est pas un maître. Et s'il n'est pas un maître, cela te causera de la douleur. Un jour, tu souffriras. Il vaut toujours mieux savoir à qui on a affaire, tu ne crois pas ?" (p.103).

Question écriture, rien à dire, ni en bien ni en mal, le style est plaisant et n'a rien d'extravagant. C'est un peu mon reproche général, le bouquin n'a rien d'extravagant, j'aurais aimé plus de folie, de décalage, d'humour noir (le roman est vendu comme "hilarant et dérangeant" en 4ème de couverture), mais finalement, il traîne un peu en longueur en s'attardant sur chaque canidé devenu intelligent. Une petite déception qui pourra cependant trouver son public.

Note finale : je n'ai pas fait de confusion entre les noms de l'auteur et du traducteur, André Alexis est canadien et parle anglais, Santiago Artozqui parle aussi anglais et le traduit même en français.

Conseillé par
23 mars 2016

Rabindranath Tagore, Prix Nobel de Littérature en 1913, fut aussi compositeur, peintre et philosophe. Issu de la caste des brahmanes, il a une enfance calme et paisible, loin des tracas des Indiens qui doivent travailler pour manger. Cette situation ne l'a pourtant pas empêché de dénoncer le système qui veut qu'en Inde, les riches, les zamindars (grands propriétaires fonciers), exploitent les pauvres. C'est l'objet d'au moins une nouvelle du recueil. Beaucoup d'autres parlent du rôle de la femme, très en retrait, mariée de force très jeune et qui doit se soumettre aux volontés d'un mari pas toujours en avance sur son époque quant aux droits des femmes. Ce qui est étonnant dans ces textes, c'est l'opposition entre la relation forte qui existe entre le père et ses filles, il est souvent chamboulé lorsqu'il doit marier sa fille et la voit quitter la maison pour celle de son époux, et le peu de considération qu'ont les hommes pour leurs femmes. A croire, que mariées, elles perdent leur intérêt. Néanmoins, Rabindranath Tagore décrit beaucoup de femmes fortes, ayant du caractère et ne se laissant pas faire : elles revendiquent, osent se rebeller et résister à leurs maris, souvent pour le bien des enfants plus que pour le leur, au risque de se mettre la communauté à dos. Elles peuvent être aussi vénales, jalouses des biens des autres surtout lorsque l'homme de la maison n'aspire qu'à une vie paisible ; mais il faut dire que c'est elle qui doit faire bouillir la marmite et que sans argent ce n'est pas facile, surtout si monsieur ne veut pas travailler.

Rabindranath Tagore est réaliste, il décrit des situations envisageables voire certaines se sont produites. Son style est à la fois réaliste donc mais aussi lyrique, dans les paysages, les rêves,... Il emprunte beaucoup aux coutumes, aux contes, aux fables, à la mythologie indienne. Ses courtes histoires sont tragiques, dramatiques ou plus légères, plus enlevées, je n'irai pas jusqu'à dire qu'elles sont primesautières même si certaines arrachent des sourires. Non, ce sont des histoires de vies qui en disent long sur l'Inde du XIXème siècle, les castes, les relations entre les pères et les filles, souvent belles et tendres, entre les pères et les fils, plus conflictuelles, le fils voulant égaler voire dépasser le père, entre les maris et les femmes, pas toujours sereines, mais parfois très profondes quand bien même les mariages ont été arrangés, entre les mères et les enfants, protectrices dans les deux sens...

Je connaissais Rabindranath Tagore, au moins son nom, mais je ne saurais dire pour quelles raisons. Maintenant, j'en ai une excellente : ses nouvelles éditées chez Zulma dans un volume divinement couvert.

Conseillé par
23 mars 2016

Par où commencé-je ? J'ai tellement de choses à dire sur ce double roman complètement barré. Bon, d'abord faire un point sur le héros : Jazz Band, c'est son nom, et comme il pénètre les mondes les plus fermés (il est spécialisé dans les enquêtes sur les sectes, mafias, groupes...), grâce au jazz et à sa guitare dont il use admirablement, une Gibson 175, son alias dans ces moments est Gibson Greg. Jazz Band, JB voire Jazzy pour les intimes, et les femmes sont très nombreuses et très vite à faire partie de ses intimes est aussi un surdoué, un mec au QI impressionnant qui le sait et qui raconte ses histoires -oui, oui c'est lui le narrateur de ses aventures, mais à y réfléchir, qui aurait pu mieux le faire que lui ? Personne ! "Nous autres les surdoués" - il commence certains paragraphes comme ceci, pour expliquer ses faits et gestes - "ne déléguons pas le plaisir de faire partager nos aventures, nous nous honorons de les partager avec tous, pour l'éducation de tous." Voici, en l'imitant- ce qu'il aurait pu écrire, totalement fat et imbu de sa personne. Il n'est pas forcément sympathique JB, mais tout lui est pardonné : entre James Bond (Jazz Band, Éros Héros Sept, la référence est visible), Hubert Bonnisseur de la Bath (OSS 117) et San Antonio, référence évidente et affichée (son adjoint, Duglandier, grand amateur de vin, au QI très en-dessous de la moyenne et aux formes très rebondies fait penser à Bérurier). Et l'écriture est sans conteste un hommage à Frédéric Dard : argot, images, métaphores, anglicismes, francisations de mots étrangers, néologismes, approximations, calembours en veux-tu-en-voilà, ... A ce propos, si "Le calembour est le pet de l'esprit" comme disait Victor Hugo - qui ne se privait pas d'en faire -, alors force est de constater que Grégoire Lacroix a l'esprit très ballonné. Il souffre d'aérophagie mentale.

Comment vous dire que j'ai pris un pied magistral à lire ces deux aventures de Jazz Band dans un seul volume ? On a envie de tout retenir, comme les dialogues d'un bon film, Les Tontons flingueurs, Buffet froid, ... En fait, je sais que je ne peux pas réciter tous les passages qui m'ont plus, alors je savoure avec la peine de ne pas pouvoir les retenir mais avec la furieuse envie de diffuser largement la bonne parole.

Grégoire Lacroix est dans l'excès, la dérision, l'invraisemblance : on imagine très bien des acteurs déclamer les dialogues avec de l'emphase ou alors avec un sérieux incroyable comme dans les films "OSS 117", qui personnellement me font rire de bout en bout. Jazz Band est aussi un baiseur hors pair - et non pas hors paire, justement -, les scènes torrides sont plus jolies et imagées que dans n'importe quel livre érotique, mais évidemment ma pudeur et l'âge non limité à l'accès de mes articles m'empêchent ici de les reproduire.

Sexe, espionnage, stratégie discutable mais efficace (?), humour, délire total, jeux de mots faciles ou pas et calembours à tous les étages, noms de personnages drôles mais avec raison, second voire troisième -ou plus- degré, tous ces ingrédients sont réunis dans cet ouvrage qui vous fera passer un moment inoubliable, à renouveler dès que Jazz Band reviendra nous narrer ses aventures. En plus, la couverture est très réussie.

Conseillé par
23 mars 2016

Un roman noir qui paraît partir dans tous les sens ce qui, évidemment, n'est pas le cas, car toutes ces histoires se mêlent, par voisinage, liens du sang ou d'amitié. Jacques Bablon a un style direct, épatant qui fait mouche ; je l'ai déjà dit pour son roman précédent, "Trait bleu", je le répète très volontiers ici, haut et fort même pour que cela se sache et que ça se diffuse largement.

Cent quatre-vingt-dix pages de pur plaisir, qu'on ne peut lâcher au risque d'une courte nuit. "Décalé, poisseux, intense" est-il écrit sur la couverture, eh bien, les éditions Jigal ne mentent pas c'est tout cela et bien plus. En peu de mots, l'auteur sait décrire des situations fortes, des personnages attachants avec leurs fragilités et leurs forces. Phrases courtes, dialogues itou, point n'est forcément besoin de 500 pages pour être efficace. La preuve !

Ah, comme j'aimerais pouvoir écrire comme lui pour faire un billet court et tentant, un billet tellement bath que tout le monde dirait que c'est mon meilleur - jusqu'au suivant - et se précipiterait en librairie acheter "Rouge écarlate". Las, je suis engoncé dans mes habitudes et je crains donc une certaine platitude dans mon article qui ne colle pas du tout avec le bouquin décrit. Tant pis, je continue quand même.

J'aime ce livre en entier, je l'aime aussi pour certains détails comme la description du visionnage d'une vidéo d'un concert de La Callas, d'abord version Salma :

"On voit une femme qui attend, les bras croisés sur une sorte de châle à col montant. Elle ne chante pas, au début, elle écoute l'orchestre. Le chant d'une flûte s'installe sur un tapis de cordes dont le motif répétitif fait comme une houle qui s'emploie à s'attaquer une falaise." (p.26)

et ensuite, version Joseph :

"Il y a une bonne femme avec des bijoux partout, elle est moche, elle a l'air malheureuse, on la sent prête à pleurnicher, finalement elle chante." (p.28)

Ça ne paraît pas grand chose, un détail, mais c'est ce genre de détails qui me plaisent, qui apportent un plus à ma lecture - un truc simple, un événement vu par deux personnages différents, dans deux style différents -, ça me fait kiffer comme disent les jeunes de maintenant et les moins jeunes qui veulent le rester ou tentent au moins de le faire croire.

"Trait bleu", "Rouge écarlate", ne manque plus qu'un jaune quelque chose et les trois couleurs primaires seront réunies, et comme on sait qu'à partir d'icelles, toutes les autres couleurs sont possibles, je m'attends à des explosions de lecture, des moment d'intensité folle, un arc-en-ciel de sensations -oui, je sais je m'emballe- dans mes futures lectures de Jacques Bablon. Laissez-vous tenter mais attention, addiction assurée !

Des forêts du Sri Lanka au Muséum d’Histoire naturelle

Vendémiaire

Conseillé par
23 mars 2016

Un incroyable travail pour une incroyable histoire. Philippe Candegabe s'est adonné à des recherches minutieuses et précises sur cet éléphant qui fait la fierté du musée de Bourges. Son récit est également minutieux, bourré de détails, de faits, de citations d'époque, de scientifiques et de journalistes. Un ouvrage bourré d'informations sur les débuts des musées français, la classification, les expositions, la manière dont les collections se sont enrichies, ... Suite à la guerre contre les Provinces unies (Pays-Bas) que la France révolutionnaire a gagnée, les collections du stathouder Guillaume V d'Orange-Nassau ont été véritablement pillées par les vainqueurs, et ces collections étaient fort bien fournies grâce à Arnout Vosmaer. Hans et Parkie rebaptisée Marguerite en France, font partie du lot et le voyage qui les mènera d'Apeldoorn à Paris est mouvementé, épique ; il durera plusieurs mois...

C'est un bouquin passionnant qui ravira les amateurs des éléphants mais aussi ceux qui s'intéressent à l'histoire des musées, à l'histoire un peu en marge de la grande Histoire de la Révolution française, ça fourmille d'anecdotes, de notes, ... Un livre très complet qui nécessitera donc un peu d'attention si l'on ne veut rien rater. En bonus, des informations sur les divers éléphants naturalisés et exposés dans des musées, tant en France qu'à l'étranger. Personnellement, il me semble n'avoir vu que Fritz, celui qui est exposé à Tours, mais peut-être en oublié-je, tant nous sommes habitués à en voir contrairement à nos aïeux de 1800 ; je ne suis passé qu'une seule fois à Bourges et n'ai pas pris le temps de visiter le musée qui abrite Hans. Quant à ma ville, Nantes, eh bien, nous en avons un éléphant qui fait notre fierté : en bois, articulé et manipulé par des machines, on peut y grimper dessus pour une balade ; on dirait presque qu'il est vivant. Que dis-je ? Il est vivant. Il est visible sur le site Les machines de l'île.

Dernière précision sur ce livre : la couverture est la reproduction d'un dessin de Petrus Camper (1732-1789), il s'agirait de Parkie, la compagne de Hans.