Poèmes de la mort double

Bien plus qu'un poète singulier Marc Le Gros manie la langue tel l'escrimeur le fleuret. Cette noblesse d'assurance n'est pas pour déplaire d'autant qu'elle nous entraîne sur des chemins particulièrement embusqués. Le titre intrigant interpelle l'acquis culturel que la vie entreprend en nous, chaque jour qui passe. Double ? pourquoi donc ? Ici aussi décidément on bataille le paradoxe, ou pour le moins on le transfigure. Cette mise à nu de l'homme d'abord, parachevé en permanence par le poète – voix en lui – nous transporte vers des horizons vivants inattendus.Même si le regard souvent ironique jugule les trois parties de cet ouvrage hors du commun, il n'en reste pas moins qu'il ravive l'élan premier de l'être qui naît, autrement dit une sorte d'éloge au « respir », un hymne d'amour – et le mot est pesé ici même si justement jamais prononcé – un nevermore de grâce et de jubilation, une ode à la joie sous-tendue d'accents fulgurants proche d'Ossya, autrement dit Ossip Mandelstam.Maria Mikhaylova, peintre, a su capter avec élégance, par ses encres, cette dimension tragique ornée d'une force de farce singulièrement élégante et pudique.