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L' Amour propre

Olivier Auroy

Intervalles

  • Conseillé par
    12 mai 2018

    On entre de plein fouet dans ce roman et bien malheureux serait celui -ou celle- qui ne parviendrait pas à s'intéresser à icelui, car il passerait à côté d'un roman noir étonnant, original et captivant pour ne pas dire envoûtant, de bout en bout. Envoûtant sans doute par le lieu central, le salon de massage. Le travail de Leïla la Marocaine, Katia la Russe et Waan la Franco-Thaïlandaise est minutieusement décrit et concourt pour beaucoup dans la sensualité, l'ambiance très particulière, ouatée mais aussi dure notamment lorsque le désir des hommes est abordé. Ceux qui avec arrogance et suffisance méprisent les masseuses et s'attendent à des extras sexuels. Ceux qui, pourtant pas très attirants sentent que le pouvoir qu'ils exercent dans la société les rend désirables, alors que les trois jeunes femmes ne voient que des corps. L'écriture d'Olivier Auroy est fine, délicate, directe ; s'il sait décrire les corps, les massages sensuellement ou cliniquement, il sait aussi dire les violences que ces femmes ont subies, psychiques, physiques.

    Rendu à la moitié du volume, soit environ à la page 130, je me suis fait la réflexion que je n'étais pas vraiment dans un thriller, que l'histoire avançait doucement, mais en fait, c'est juste que j'étais déjà totalement en empathie avec Waan et que son histoire m'habitait au point de ne pas m'apercevoir que la tension montait irrémédiablement. L'autre raison pour laquelle je me sentais bien dans ce roman, c'est l'ambiance que je décrivais plus haut et les personnages d'Olivier Auroy, très fouillés, les trois masseuses du salon de M. Victor notamment. Chacune d'elle a des raisons de se retrouver à exercer ce job dans des conditions de soumission et de "semi-captivité". De très belles pages leurs sont dédiées, elles-mêmes parfois violentes, dures, mais aussi pleines de tendresse, d'amour et de respect. Et encore ont-elles eu un peu de chance, elles auraient pu se retrouver dans des réseaux de prostitution sans doute encore plus mal loties que dans ce salon.

    La force de ce roman est d'allier "l'univers clos et énigmatique des salons de massage" (4ème de couverture) à une intrigue policière beaucoup plus terre à terre et de nous faire voyager entre la France et la Thaïlande. Je sors de ce roman chamboulé, nul doute que me resteront longtemps en tête Waan et ses collègues, mais aussi tout ce que j'ai pu lire sur les conditions de vie des femmes en Thaïlande (notamment les très jeunes), des femmes dans certains salons de massage attirant des hommes de pouvoir, des femmes en général soumises au désir des hommes et à leur violence.


  • Conseillé par
    19 avril 2018

    « Aussi loin que Waan se souvienne, les hommes étaient toujours entrés en elle par effraction. Le premier avait été l’once Sin. Elle venait d’avoir treize ans. »
    Ainsi commence ce roman.
    Un début qui interpelle, qui percute. Le ton est donné.
    Suivent des pages intenses qui questionnent et donnent une folle envie de continuer pour savoir, pour comprendre.
    De page en page, de lieu en lieu, d’année en année, la vie de Waan se déroule.
    De Chiang RaÏ en Thaïlande à Paris, cette jeune et belle eurasienne se retrouve dans le salon de massage de Mr Victor, un associé de son père qui était vendeur de rubis.
    Et de nouvelles questions fusent entraînant cette avidité à continuer la lecture.
    Chaque personnage a sa place privilégiée.
    Chaque endroit est parfaitement décrit. C’est tellement visuel qu’on a l’impression d’être là, de voir de nos yeux.
    Une première partie très réussie qui met en place les personnages et les lieux.

    Puis à partir du salon de massage parisien où exercent Waan, Leïla et Katia, se pose la question de la prostitution. Pourquoi ? Comment en arrive-t-on là ?
    Tout en ne dissimulant rien de la prostitution, rien de vulgaire ou de trivial n’apparaît.
    C’est un véritable plaidoyer pour les femmes victimes des hommes qui les exploitent sexuellement. Prostitution en général tourisme sexuel en particulier.
    La limite est infime entre masseuse et masseuse/prostituée.
    La progression des chapitres suivants est sans faille.
    Quand se dévoile la véritable personnalité de MrVictor, ça devient une véritable enquête policière.

    Avec une documentation sérieuse, un vocabulaire choisi, une construction très cohérente, une imagination débordante, une grande sensibilité, Olivier Auroy nous offre un superbe roman dont on regrette qu’il se termine déjà. On en aurait bien repris quelques pages.